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Association des amis de l'orgue de Notre Dame de Pellevoisin à Lille
21 décembre 2011

Concernant les transcriptions d'oeuvres de Rameau

[pour des informations concernant certaines pièces précises, voir aussi la rubrique "Vidéos"]

 [précision ajoutée en 2015 : un recueil de mes transcriptions a été publié en 2014 (voir le message correspondant) ; la fin du présent message en a été rendue obsolète]

Comme vous avez pu le constater sur le programme du concert du 18 décembre 2011, l'orgue de Notre Dame de Pellevoisin sert actuellement, entre autres, à la création de transcriptions pour orgue de pièces de Jean-Philippe Rameau (1683-1764).

Voici quelques précisions à ce sujet.

Rameau a exercé des fonctions d'organiste pendant sa jeunesse et jusqu'à avoir atteint la cinquantaine environ. Cependant, il n'a pas laissé de pièce pour orgue parmi ses compositions. Deux raisons peuvent expliquer cela. D'une part, au début du dix-huitième siècle, quand Rameau s'imposait en France comme l'un des grands maîtres de l'orgue, composer pour cet instrument, c'était composer à partir de thèmes de plain-chant, que Rameau n'aimait guère, comme en témoignent ses déclarations à ce sujet dans son Traité de l'harmonie (1722). D'autre part, il était financièrement moins intéressant de publier des pièces pour orgue que des pièces pour clavecin, des cantates ou des réductions d'opéras, susceptibles d'être achetées par bien plus d'amateurs.

Néanmoins, de son vivant même, certaines ouvertures de ses opéras ont fait l'objet de transcriptions pour orgue, par son élève Balbastre. Les transcriptions de Balbastre ne nous sont hélas pas parvenues. Au début du vingtième siècle, Léon Roques avait également transcrit plusieurs danses des Indes galantes, récemment enregistrées par Olivier Vernet. De nos jours, Michel Alabau et Yves Rechsteiner ont repris cette pratique. Yves Rechsteiner a publié ses travaux sous la forme d'un Livre d'orgue de Rameau, réalisé grâce à une étude approfondie du style des pièces pour orgue françaises de l'époque où Rameau composait ses opéras (c'est-à-dire entre 1733 et 1764). Selon M. Rechsteiner lui-même, ce travail de transcription de morceaux issus des opéras tient en partie du pastiche : il s'agit de réaliser le même genre de transcriptions qu'aurait pu faire Balbastre, ou son maître lui-même. Il s'explique sur cette démarche dans un article dont je ne peux que recommander la lecture, que vous trouverez sur le site d'Orgues nouvelles (dans les liens sur ce blog).

Ma propre démarche de transcripteur est différente. Contrairement à M. Rechsteiner, je ne cherche pas à produire des pièces telles que Rameau lui-même aurait pu les écrire s'il l'avait voulu, ni à les destiner à l'orgue français classique. Beaucoup de mes transcriptions seraient même difficiles, voire impossibles à jouer sur un instrument français de l'époque, du fait de la partie de pédale souvent "mouvementée". Et je n'ai de toute façon pas une connaissance assez bonne de l'orgue français classique pour faire un travail similaire.

J'ai été amené à cet exercice par la lecture du Traité de Rameau : en regardant le motet Laboravi clamans, que Rameau y donne en exemple, j'avais été frappé par l'écriture polyphonique dont je m'étais dit qu'elle sonnerait bien à l'orgue. Cela m'a conduit à réaliser une série de transcriptions, surtout des motets, à l'exception de deux canons tirés également du Traité, et d'un trio issu d'un opéra.

Ce choix des motets s'explique par plusieurs raisons. Certes, ils ont été composés antérieurement aux opéras (probablement dans les années 1710) et ne sont pas aussi riches en idées et innovations musicales que ces derniers. Mais leur écriture souvent plus "sage" les rend parfois plus appropriés pour une adaptation à l'orgue. Dans les choeurs en français de ses opéras, par exemple, Rameau use souvent d'un procédé qui consiste à répéter une note rapidement un grand nombre de fois pour dire plusieurs syllabes sur elle. Cela donne un effet de dynamisme très entraînant ; mais à l'orgue, une telle répétition tomberait vite dans le ridicule, et remplacer la note répétée par une tenue serait plat. On rencontre beaucoup moins ce genre de problème avec les motets latins.

Quant à transcrire les danses de ces mêmes opéras, cela n'aurait guère été utile après le travail des précédents transcripteurs sur ce genre de répertoire, travail qu'ils ont fait bien mieux que je ne l'aurais pu. En revanche, les ensembles de Rameau, c'est-à-dire ses choeurs ou ses duos, trios, etc., offrent un intérêt musical différent, guère exploité jusqu'à présent dans les transcriptions pour l'orgue. Comme les musicologues l'ont remarqué depuis longtemps, les formes y sont beaucoup moins conventionnelles que dans les danses ou les ouvertures ; et l'écriture, plus contrapuntique, est particulièrement appropriée pour un instrument polyphonique tel que l'orgue. Enfin, Rameau lui-même, dans un ouvrage de 1754 (Observations sur notre insticnt pour la musique et sur son principe), distingue la musique qui ne cherche qu'à "amuser" par un effet purement physique, et celle qui cherche à "pénétrer jusqu'à l'âme". Il est clair que la plupart des danses relèvent du premier genre ; en revanche, les pièces des motets, de même que les récitatifs des opéras et beaucoup de leurs choeurs, relèvent du second. Pour rendre justice au génie de Rameau, il est important de réserver une place à ce type de musique, et de ne pas toujours privilégier les danses et les ouvertures, même si elles ont fait son succès à l'époque.

En dehors de ces questions d'écriture musicale, comme mon but était aussi d'alimenter la revue "Musique sacrée - l'Organiste", le choix de pièces sacrées se justifiait mieux a priori ; enfin, les motets étant souvent moins connus que les grands opéras, c'était une occasion de mettre cette musique en valeur.

Ont donc été publiés à ce jour :

Laboravi clamans ; Trio (extrait de l'opéra Les Fêtes d'Hébé) ; Canon à la quinte ; Canon à la quarte (tous deux tirés du Traité) ; Prélude de l'air Quam dilecta (du motet éponyme) ; Qui seminant (du motet In convertendo) ; Cor meum (du motet Quam dilecta) ; Venite et videte (du motet Deus noster)

Il reste bien des pièces à transcrire dans les motets, mon projet est de publier un recueil aux éditions "Musique sacrée - l'Organiste) en 2014. Ce sera en effet le deux-cent cinquantième anniversaire de la mort de Rameau. Ce recueil contiendrait, d'une part, les pièces déjà publiées : en effet, certaines partitions ont besoin d'être revues (par exemple, la partition publiée de Laboravi clamans fourmille d'erreurs dues à mon inexpérience d'alors en matière d'édition et de relecture ; d'autres, comme le Trio, nécessiteraient certaines corrections car mes choix de débutant n'ont pas toujours été des plus heureux). D'autre part, on devrait y trouver également :

In convertendo, Tunc repletum, Euntes ibant (motet In convertendo)

Beati qui habitant, Domine virtutum (motet Quam dilecta)

Deus noster, Sonuerunt, Deus in medio, Conturbatae sunt gentes, Dominus virtutum nobiscum (motet Deus noster)

et éventuellement d'autres choses si l'envie m'en prend...

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